Colloque 501 ACFAS 2023- Regard sur les fonctions exécutives de l’enfant : comment les soutenir en contexte éducatif dès la petite enfance.
Responsables: Stéphanie Duval et Lorie-Marlène Brault Foisy
Les fonctions exécutives [FE] représentent des processus cognitifs complexes, dont les composantes de base sont la mémoire de travail, l’inhibition et la flexibilité mentale (Blair, 2016). À la base de la régulation intentionnelle de l’attention, de la pensée et des actions, les FE amènent l’enfant à raisonner, planifier, se concentrer et inhiber les interférences et les comportements qui ne sont pas appropriés en vue d’atteindre un objectif (Chevalier, 2010).
Des études ont montré que les FE de l’enfant, qui sont en plein essor à la petite enfance, représentent un puissant prédicteur de son développement, de ses apprentissages et de sa réussite éducative (Ribner et al., 2017). Des travaux ont notamment démontré que le niveau de FE de l’enfant en maternelle permettait de prédire ses habiletés en mathématiques et en lecture (Mulcahy et al., 2021), en plus de constituer un fort prédicteur de son développement langagier (Foy et Mann, 2013) et de son fonctionnement cognitif en général (Blair et Razza, 2007).
Compte tenu de leur rôle central, il s’avère essentiel de s’intéresser aux FE des jeunes enfants afin de mieux caractériser leur trajectoire développementale et de déceler des moyens de les soutenir dès la petite enfance. À cet égard, certains chercheurs ont étudié la possibilité de les entraîner dans le but de les améliorer (Volckaert et Noël, 2015) tandis que d’autres ont misé sur l’observation, l’évaluation et le soutien des FE en contexte plus naturel (p. ex., dans des situations de jeu) (Duval et al., accepté; Moreno et al., 2017). Or, les résultats de ces études ne paraissent pas toujours convergents et il devient nécessaire de faire le point et de cibler les éléments qui font le plus consensus à l’heure actuelle : Que doit-on en retenir et quelles sont les implications possibles pour la pratique ? Ce symposium vise à faire un tour d’horizon de la question en présentant des résultats de recherche récents concernant le soutien aux FE chez les jeunes enfants.
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Résumé
Les fonctions exécutives (FE) – mémoire de travail, contrôle inhibiteur et flexibilité cognitive – sont des processus de contrôle cognitifs permettant les comportements orientés vers un but (Miyake et Friedman, 2012). Plusieurs études suggèrent qu’elles seraient associées à la réussite académique (Bowmer et al., 2018). En conséquence, de nombreuses recherches ont eu pour objectif de développer des entraînements visant à améliorer les FE. Cependant, les résultats apparaissent peu consensuels, voire contradictoires, à travers les études. De plus, le transfert, c’est-à-dire l’influence de l’apprentissage passé sur l’apprentissage actuel ou futur (Perkins et Salomon, 1992), y est conçu de façon restreinte : proche quand les tâches d’entraînement et d’évaluation sont similaires, lointain quand les tâches sont différentes. En conséquence, nous avons utilisé une typologie plus détaillée séparant les facteurs liés au contenu et au contexte dans le transfert (Barnett et Ceci, 2002) pour réaliser une méta-analyse sur les entraînements cognitifs (103 études, enfants et adolescents neurotypiques de 3 à 18 ans). Une synthèse des principaux résultats sera d’abord présentée pour ensuite s’attarder sur la population d’âge préscolaire de l’échantillon. Cette présentation vise à discuter de nouvelles perspectives sur les effets des entraînements cognitifs, de leurs limites, et à proposer une nouvelle façon d’analyser les résultats issus de la recherche dans ce domaine.
Résumé
Les fonctions exécutives (FE) du jeune enfant constituent un prédicteur de sa réussite éducative, d’où la pertinence de les évaluer en contextes éducatifs de la petite enfance. Les habiletés de FE sont habituellement mesurées par des outils standardisés (p.ex. tâches en laboratoire) et des mesures rapportées (p.ex. questionnaire complété par l’adulte) (Silva et al., 2022). Si ces mesures permettent de recueillir des informations sur les composantes des FE, on observe une divergence entre les résultats obtenus (Young et al., 2017). De surcroit, une prédominance pour l’utilisation de tâches individuelles mesurant une seule composante des FE est relevée (Silva et al., 2022). D’ailleurs, à ce jour, il n’existe que très peu d’outils permettant la mesure globale des FE, encore moins en situations naturelles. La création d’un outil d’observation semble donc essentielle; en plus d’être écologiquement valide, cela permettrait de brosser un portrait représentatif des habiletés de l’enfant et de sa capacité à les utiliser quotidiennement. Dans cette étude, une grille d’observation des FE a été élaborée, puis le contenu de celle-ci a été validé auprès d’un panel d’expert.e.s (N = 5) à l’aide de la méthode Delphi. Cette communication présentera les résultats de cette étude, en plus de diffuser une version validée de l’outil d’observation. Il sera enfin question de relever l’applicabilité de la méthode Delphi en éducation pour améliorer la validité/fiabilité d’un instrument d’observation.
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Résumé
De nombreux travaux scientifiques ont démontré un lien entre le jeu de faire semblant à l’âge préscolaire et le développement des fonctions exécutives (eg. Thibodeau & al., 2016, 2020; Veraksa et al. 2022). Or les situations pédagogiques au préscolaire qui laissent davantage de place aux activités initiées par les élèves comme notamment le jeu libre tendent à diminuer dans de nombreux contextes (Bassok & al., 2016 ; Clerc-Georgy & Truffer Moreau, 2016). Dans la situation de jeu de faire semblant, les enfants endossent des rôles et investissent des scénarios imaginaires qui leur permettent de faire des allers-retours entre jeu et apprentissage (Pramling Samuelsson & al., 2008). Ce processus soutient l’utilisation de la mémoire de travail, l’inhibition et favorise également la flexibilité cognitive (eg. Veraksa & al. 2022). Le soutien aux fonctions exécutives apporté par les enseignantes du préscolaire en contexte classe lors de situations de jeu reste encore peu documenté notamment dans le cadre de recherches compréhensives. Cette communication vise ainsi à présenter des micro-analyses issues d’une observation participante et longitudinale durant les moments de jeu libre au préscolaire dans le contexte de la Suisse francophone. Les gestes professionnels relatifs au soutien apporté aux fonctions exécutives sont catégorisés en différenciant les types d’interventions des enseignantes lors de la phase de jeu épistémique et la phase de jeu ludique (Hutt 1971; Hutt & al. 1989).
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Résumé
Les habiletés émotionnelles [HÉ] (p. ex. connaissance émotionnelle) et les fonctions exécutives [FE] (p. ex. inhibition), prédicteurs de la réussite éducative de l’enfant, sont des éléments fondateurs de sa santé physique/psychologique (Murray et al., 2016). En recherche (p.ex. mesure/évaluation) et en pratique (p.ex. observation/intervention), les HÉ et les FE sont généralement considérées de façon séparée (Calkins et Bell, 2010). Or, cette compartimentation des habiletés de l’enfant limite les progrès vers une compréhension rigoureuse du processus systémique complexe qu’est le développement humain (Bell et al. 2019). Dans une perspective développementale intégrative (Fischer, 1980), il est suggéré que les HÉ et les FE soient liées de manière dynamique (Mascolo 2020). Cette présentation posera un regard théorique sur les dynamiques relationnelles complexes entre les HÉ et les FE à partir de 3 modèles conceptuels : 1) le modèle descendant, qui met en lumière l’influence que peut avoir la cognition sur l’émotion (Immordino-Yang et al., 2007); 2) le modèle ascendant, émanant de critiques voulant que l’apport de l’émotion sur l’action et la cognition eût été négligé par le modèle descendant (Damasio, 1994); 3) le modèle de l’équilibre optimal (ou autorégulation), qui suggère une considération simultanée des dynamiques HÉ-FE à même le contexte dans lequel l’enfant évolue (Blair et Dennis, 2010). Pour conclure, des constats impliquant la recherche et la pratique seront dégagés.
Résumé
Les fonctions exécutives (FE), prédicteur des apprentissages et du développement de l’enfant (Ribner et al., 2017), regroupent 3 composantes principales, dont l’inhibition. Les habiletés d’inhibition, qui permettent de diriger son attention, ses pensées et ses actions vers la réalisation d’un objectif précis (Rosas et al., 2019), sont en pleine progression à l’âge préscolaire, en raison de la maturation accélérée des aires cérébrales qui les supportent (Kovács & Mehler, 2009). Il est donc nécessaire de les soutenir à ce moment charnière, notamment chez les enfants qui vivent des défis. En ce sens, des travaux ont montré que ceux vivant un trauma complexe (TC), se caractérisant par des situations d’abus/d’abandon/de négligence durant l’enfance, sont plus à risque à l’égard des FE (Cowell et al., 2015). Pour cause, le TC peut engendrer des difficultés développementales persistantes, notamment sur le plan émotionnel et comportemental (Milot et al., 2018). En parallèle, des travaux ont montré un lien entre la qualité du soutien émotionnel (SÉ) à l’éducation préscolaire et les FE de l’enfant de 5 ans (Duval et al., 2016), soit dans un milieu accueillant des enfants vivant un TC (Wenzel et Gunnar, 2013). Si quelques travaux ont examiné le lien entre la qualité du SÉ les FE des jeunes enfants, nous en savons encore très peu sur les pratiques enseignantes axées sur le SÉ qui sont suceptibles de favoriser l’inhibition des enfants en contexte de TC (McLaughlin et al., 2014).
Résumé
Sur le plan de la recherche, beaucoup de questions se posent actuellement sur les outils, les approches et les devis de recherche visant à identifier et évaluer les fonctions exécutives (FE) chez les jeunes enfants, en raison de leur importance dans leurs apprentissages et leur développement. Sur le plan de la pratique, on observe de plus en plus un intérêt au regard des pratiques permettant de soutenir les habiletés qui y sont associées. Par exemple, au Québec, les récents programmes éducatifs destinés aux enfants d’âge préscolaire (ministère de la Famille, 2019; ministère de l’Éducation du Québec, 2021) intègrent désormais des éléments concernant les FE. Cette présentation, qui prendra la forme d’un panel d’échanges, permettra d’abord de faire une synthèse sur les présentations de la journée, en plus de discuter des prochaines recherches à mener afin de mieux comprendre comment soutenir les FE des jeunes enfants en contexte éducatif de la petite enfance. Il sera aussi question d’établir des liens avec la pratique, afin de mieux comprendre comment tisser des collaborations entre les chercheur.e.s et les praticien.ne.s pour les soutenir chez les jeunes enfants, de manière à favoriser leur réussite éducative présente et ultérieure.