Colloque 513 ACFAS 2025 – (Re)penser les façons de favoriser la qualité des transitions vers les services éducatifs offerts aux enfants de 0 à 8 ans.
6 mai 2025


Responsables : Stéphanie Duval, Aimée Gaudette-Leblanc et Andréanne Gagné
Pendant la petite enfance (0-8 ans), l’enfant et sa famille sont amenés à vivre une succession de transitions vers les services éducatifs, dont certaines sont dites verticales : de la maison vers le milieu de garde, du milieu de garde vers l’éducation préscolaire, de l’éducation préscolaire vers le primaire. Tout au long de cette période, l’enfant vit aussi plusieurs transitions horizontales, correspondant à des moments de passage au quotidien (p. ex., changement de local dans une même journée) (Duval et Lehrer, 2021). Bien que ces différentes transitions soient caractérisées par de nouvelles occasions de développement et d’apprentissage, elles impliquent aussi la déconstruction de repères basés sur les expériences passées (Ackesjö, 2014), et demandent à chacun de s’ajuster à de nouvelles attentes, de nouvelles approches, de nouveaux rôles. Puisque la manière dont l’enfant vit ses premières expériences éducatives influence sa capacité d’ajustement tout au long de sa scolarité (p. ex., passage primaire-secondaire) (Fabian et Dunlop, 2007), il importe de (re)penser les façons de soutenir les transitions vers les services éducatifs offerts aux enfants de 0 à 8 ans. À cet égard, des travaux réalisés dans le monde (p. ex., Ballam et coll., 2017) ont montré la nécessité de déployer des initiatives de qualité lors de cette période, en considérant les perspectives des acteurs impliqués dans le processus transitionnel et le contexte socioculturel dans lequel ils évoluent (Duval et coll., 2024). De plus, il semble que l’implantation de pratiques de transition individualisées, soit des activités planifiées afin de soutenir le développement d’une relation de confiance entre les familles et le service éducatif (Athola et coll., 2016), contribue à favoriser un passage harmonieux pour l’enfant et ses parents (Petrakos et Lehrer, 2011). Quels sont les autres facteurs contribuant à favoriser des transitions de qualité entre 0-8 ans? C’est ce dont il sera question dans ce colloque.
Bloc A : L’étude des perceptions des acteurs impliqués dans la transition
Résumé
La transition vers l’école implique plusieurs ajustements (p.ex. émotionnel) chez les acteurs impliqués, lesquels ont pu être exacerbés en période de Covid (Duval et al., 2021). Cette communication présente les constats découlant d’une étude exploratoire menée à l’automne 2020, visant à explorer les perceptions des parents et des enseignant·es quant aux leviers facilitant la transition vers l’école à ce moment particulier.
Les données, récoltées dans deux contextes (Québec et Suisse francophone) via un questionnaire en ligne, dévoilent d’abord des similitudes de perceptions entre les acteurs. Ces derniers rapportent entre autres l’importance des qualités relationnelles du personnel scolaire (p.ex. bienveillance), et la nécessité de la collaboration école-famille. Par ailleurs, des divergences de perception sont aussi relevées. Les enseignant·es insistent sur l’importance de revoir les pratiques pédagogiques pendant la Covid (ajustement organisationnel), tandis que les parents soulignent la nécessité de soutenir l’ajustement émotionnel des acteurs pendant cette période.
Si des enseignant·es recommandent aux parents de « lâcher prise », ces derniers expriment plutôt le besoin de créer une relation de confiance entre eux et l’école, surtout en période de pandémie. C’est ce dont il sera discuté lors de cette présentation, en réfléchissant aux manières de renforcer la collaboration école-famille pour favoriser la transition vers l’école en période post-Covid.

Résumé
La première transition scolaire se définit comme le passage de l’enfant entre la maison ou le service à la petite enfance vers la maternelle 4 ou 5 ans et peut durer plus d’une année (Ruel et al., 2018). La transition implique entre autres l’adaptation de l’enfant et sa famille à un nouvel environnement (Ramey et Ramey, 1999), pouvant occasionner des préoccupations chez ces acteurs, notamment s’ils vivent ce passage pour la première fois (Miller, 2015). Au Québec, certaines pratiques sont mises en place afin de les soutenir (Ruel et al., 2018), comme le programme Passe-Partout offert depuis 1978, qui a pour objectifs de favoriser une transition tout en douceur pour les familles et d’instaurer un climat de collaboration entre l’école et les parents. De façon similaire, depuis 2013, le volet Parents de la maternelle 4 ans vise à soutenir la collaboration école-famille dès l’entrée à l’école. Pour atteindre ces objectifs, des rencontres sont notamment proposées aux parents. Or, on en sait actuellement peu sur les perceptions des parents à l’égard de ces rencontres, à savoir si elles répondent à leurs besoins.
Cette communication vise à présenter la problématique et la méthodologie d’un projet dont l’objectif est de documenter l’expérience des parents lors des rencontres leur étant proposées dans le cadre de ces deux offres de services. Plus particulièrement, nous exposerons les approches méthodologiques qui semblent à privilégier pour documenter l’expérience des parents.

Résumé
L’entrée à l’école est une étape cruciale dans le développement des enfants surtout ceux en contexte de vulnérabilité. Malheureusement, au Québec, 27% des enfants arrivent à l’école avec des vulnérabilités développementales. Malgré la Stratégie 0-8 ans du ministère de l’Éducation, des enjeux persistent, notamment en ce qui concerne la transition scolaire des enfant vulnérables.
Notre recherche vise à documenter les perceptions d’acteurs clés en petite enfance au Québec, aux profils variés, par rapport aux différents enjeux rencontrés par la stratégie 0-8 ans, dont la promotion de la transition scolaire des enfants qui ne fréquentent pas de milieux de garde éducatifs.
Les données ont été collectées par des entrevues semi-dirigées auprès de 17 acteurs clés. Leur analyse (en cours) met en lumière quelques résultats dont des propositions des leviers permettant de rejoindre les enfants isolés et de leur favoriser une transition scolaire harmonieuse.

Bloc B : Les continuités et les discontinuités observées entre les services éducatifs et les approches pédagogiques
Résumé
À l’instar du Québec, les services de la petite enfance (0-6 ans) en Belgique sont organisés sous l’égide de deux ministères (Hulpia et al., 2024). Les enfants vivent la transition vers l’école maternelle à partir de 2 ans et demi, laquelle accentue la séparation pédagogique entre « soin » et « apprentissage » chez ces derniers (Moss, 2013; Peleman et al, 2019). Afin de tendre, dans un tel système divisé, vers une meilleure continuité entre les services éducatifs offerts au cours de la petite enfance, il est possible d’agir à partir de différents angles : garantir un meilleur alignement des politiques, miser sur une collaboration accrue entre les différentes professions de la petite enfance, mettre sur pied des projets pédagogiques en cohérence, miser sur l’accompagnement des parents.
En Flandre, 12 projets pilotes ont permis d’explorer, chacun dans leur contexte, différentes possibilités pour offrir aux enfants et aux familles une ligne plus continue dans leur parcours (Doorgaande lijn). Chaque étape de ces projets a été documentée à l’aide de comptes-rendus des rencontres d’accompagnement. À travers ces comptes-rendus, on apprend comment une vision pédagogique partagée et basée sur les principes de l’educare (Van Laere, 2017) propose des solutions aux défis de la continuité. L’analyse des éléments clés des parcours a conduit à des recommandations pour les praticiens et les décideurs, lesquelles peuvent être source d’inspiration pour d’autres contextes comme le Québec.

Résumé
En Suisse romande, l’inscription de la maternelle dans le cursus primaire et l’instauration d’une formation unique pour les enseignants des enfants entre 4 et 12 ans ont provoqué une primarisation des pratiques (plan d’étude unique, rythme d’apprentissage identique, évaluation sommative, travail individuel autonome, gestion de classe imitant le primaire…). Le jeu de faire-semblant et autres activités initiées par les enfants ont quasi disparu des classes (Gilliéron Giroud, et al., 2014). Dans ce contexte, à partir de recherches récentes (Hedegaard et Edwards, 2023; Clerc-Georgy et al., 2020) nous développons une didactique dont les axes principaux sont l’introduction à l’usage des savoirs fondateurs d’une scolarité réussie et des outils culturels et la prise en compte des activités initiées par les enfants, particulièrement le jeu de faire-semblant (Clerc-Georgy, 2021).
Dans ce cadre, une structure pédagogique a été conçue (Truffer Moreau, 2020), son fonctionnement a été pensé pour soutenir les transitions que l’entrée à l’école entraîne. À partir d’un exemple, cette présentation pointera les modalités d’interactions et de travail se rattachant spécifiquement à une des composantes de la structure : la Réunion dont les modalités tendent à soutenir les apprentissages que demande la transition de l’activité directrice de développement « jeu de faire-semblant » vers l’activité directrice de développement « apprentissage volontaire et conscient ».

Résumé
La transition de l’éducation préscolaire à la 1re année du primaire présente un défi pour les enfants (Helm et al., 2020) qui doivent souvent s’adapter aux discontinuités entre les cycles éducatifs (Harrison et Murray, 2015). Typiquement lors de cette transition, les enfants passent d’un environnement privilégiant le jeu à un environnement structuré axé sur l’enseignement des disciplines. Ce passage d’un programme soutenant le développement global de l’enfant à un programme centré sur l’acquisition de compétences disciplinaires crée un déséquilibre entre les activités initiées par l’enfant et celles dirigées par l’adulte. Ce déséquilibre est un enjeu important (Clerc-Georgy et Kappeler, 2020) car le fossé entre l’éducation préscolaire et le primaire peut avoir un impact négatif sur l’expérience de transition des enfants (O’Kane, 2016). Pourtant, on sait que la transition est plus réussie lorsqu’une continuité est maintenue entre les environnements éducatifs (Sproule et al., 2019), notamment lorsque la pédagogie par le jeu est valorisée en 1re année (Bellen, 2016). Comment réduire les discontinuités pédagogiques pour faciliter cette transition ? C’est ce dont il sera question dans cette communication, en présentant des exemples de pratiques permettant d’illustrer qu’un environnement d’apprentissage en 1re année peut s’harmoniser à celui de l’éducation préscolaire, en intégrant des situations axées sur le jeu (Johnstone, 2022).

Bloc C : La documentation du vécu des enfants lors des transitions
Résumé
Pour les enfants autistes ayant des besoins complexes de communication et leur famille, la transition vers la maternelle nécessite une individualisation qui pose encore un défi (Fahmi et Poirier, 2020 ; Girard et al., 2019). Malgré des pratiques facilitantes (ex. les rencontres et les visites préalables, les plans individualisés, les transferts d’informations), les familles mentionnent être peu impliquées dans la prise de décisions pédagogiques pour soutenir leur enfant (Fahmi et Poirier, 2020). En cours d’année scolaire, les parents jugent les occasions de communication et de relation école-famille insuffisantes (Girard et al., 2019). Parallèlement, bien comprendre l’enfant dans l’interaction et l’aider à participer demeure difficile pour le personnel enseignant (Cappe et al., 2016; Lavigne, 2022 ; Tsamitrou et al., 2024). À cet égard, considérer l’expertise du parent à propos de son enfant et de ses interactions serait un atout (Lewis-Dagnell et al., 2023 ; Ramos Pereira et al., 2022). Comment repenser cette implication du parent dans la prise de décision et les communications enseignant.e-famille ? Cette communication aborde le potentiel des captations vidéo faites en milieu familial et en classe maternelle d’adaptation scolaire (Lavigne, 2021) pour soutenir cette transition. Il sera question de l’intérêt des analyses interactionnelles faites à partir de vidéos pour comprendre l’enfant et des commentaires rétrospectifs de l’enseignante et du parent à partir de ces vidéos.

Résumé
Les transitions horizontales à l’éducation préscolaire impliquent plusieurs allers-retours d’un contexte à un autre (par exemple de la maison à l’école, du service périscolaire vers la classe) dans la même journée (Johansson, 2007). Ces transitions peuvent constituer des occasions de collaboration et de concertation entre les divers acteurs gravitant autour des enfants, incluant les parents (Bloch et Kim, 2015). Elles peuvent, en outre, être source de défis lorsque les attentes des adultes à l’égard des enfants divergent (Petriwskyj et al., 2005). Peu abordées dans la littérature scientifique, cette présentation offre un regard novateur sur les transitions horizontales en présentant une analyse de transitions vécues par des enfants de quatre ans dans quatre écoles québécoises et quatre écoles françaises, en s’appuyant sur l’approche intégrale (« wholeness ») des apprentissages et du développement des enfants de Marianne Hedegaard (Edwards et al., 2019). Les données analysées proviennent des notes descriptives des observations de l’équipe de recherche et des captations vidéo centrées sur le vécu des enfants à l’école. À travers l’analyse des attentes envers les enfants lors des différents moments de transition horizontale afin de comprendre le fonctionnement de l’institution et les normes dans les deux contextes sociaux, six thèmes ressortent : l’autonomie ; les saines habitudes de vie ; le rôle des adultes ; le rapport au temps et les sphères de vie privée et collective.
