Colloque 103 ACFAS 2022 – Le développement du langage des enfants tout-venant et ceux en contexte d’adversité : Retombées du projet ELLAN de 3 à 5 ans.

Responsables: Audette Sylvestre et Mélissa Di Sante**
La négligence est la forme de maltraitance la plus fréquente chez les enfants âgés de moins de 6 ans (Bilan des directeurs de la protection de la jeunesse, 2021). Ces enfants sont non seulement très nombreux, mais ils sont aussi ceux qui présentent le plus de difficultés dans le domaine du développement du langage (McDonald, Milne, Knight et Webster, 2013). Selon la composante langagière évaluée (p. ex., le lexique, la syntaxe, la pragmatique), la prévalence des difficultés langagières chez les enfants négligés est de 5 à 10 fois plus élevée que chez leurs pairs du même âge (Di Sante, Sylvestre, Bouchard et Leblond, 2019; Julien, Sylvestre, Bouchard et Leblond, 2019).
Or, présenter des habiletés langagières conformes aux attentes développementales est essentiel au développement cognitif des enfants, à l’établissement et au maintien de relations interpersonnelles positives et à leur réussite éducative. Il importe donc de bien comprendre les trajectoires développementales du langage de ces enfants ainsi que les conditions environnementales qui peuvent en soutenir un développement harmonieux. À cet égard, la qualité des interactions adulte-enfant s’impose comme un facteur de protection susceptible de contrecarrer les effets négatifs de l’exposition aux nombreuses conditions adverses auxquelles les enfants en situation de négligence sont confrontés (Di Sante, Sylvestre, Bouchard et Leblond, 2020).
Le projet ELLAN (Étude longitudinale sur le langage et la négligence) a été réalisé dans le but de mieux comprendre le développement langagier des enfants tout-venant et ceux confrontés à des conditions adverses. Le projet visait spécifiquement à étudier les facteurs personnels, familiaux et sociaux associés au développement du langage d’enfants en situation de négligence entre l’âge de 3 et 5 ans. Cette étude a contribué à l’avancement des connaissances dans plus d’un domaine alors que le colloque offrira l’occasion d’en partager les principales retombées.
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Résumé
La négligence est la forme de maltraitance la plus fréquente chez les enfants âgés de moins de 6 ans. Ceux-ci sont non seulement très nombreux, mais ils sont aussi ceux qui présentent le plus de difficultés dans le domaine du développement du langage. Un des objectifs principaux de l’étude longitudinale sur le langage et la négligence (ELLAN, Sylvestre et al., CRSH: 2014-2019) était de mesurer le développement du langage d’enfants négligés (n = 69), et de le comparer à celui de 99 enfants de la population générale, entre l’âge de 3 et 5,5 ans. Six visites à domicile ont été effectuées à des intervalles de six mois pour mesurer le vocabulaire réceptif et expressif, la morphosyntaxe et le développement des sons de la parole. Les analyses de trajectoire (analyses de classes latentes) menées pour chaque variable langagière ont révélé un sous-groupe d’enfants négligés présentant des difficultés langagières significatives, alors qu’un autre sous-groupe obtient des résultats comparables à ceux des enfants non négligés. Ces résultats suggèrent que plusieurs enfants qui grandissent en contexte de négligence arrivent à bien développer leur langage malgré leur exposition à d’importantes conditions d’adversité. Les retombées de ces résultats de recherche seront discutées avec les participants et les participantes.
Résumé
La négligence envers les enfants est le résultat d’un cumul de conditions de vie adverses sur les plans personnel, familial et social. Chez les enfants qui grandissent dans de telles situations, le langage est une des sphères développementales les plus fortement compromises. Les difficultés langagières se manifestent aussi précocement qu’à l’âge de 9 mois et sont susceptibles de se maintenir jusqu’à l’entrée à l’école. L’étude longitudinale sur le langage et la négligence (ELLAN, Sylvestre et al., CRSH: 2014-2019) est la première étude à mettre en évidence les trajectoires développementales du langage au sein d’un échantillon de 69 enfants vivant en situation de négligence suivis de l’âge de 3 à 5 ans. Deux trajectoires du développement langagier sont identifiées parmi ce groupe d’enfants : la première illustrant la présence de difficultés langagières significatives et persistantes, et la deuxième qui tend à se rapprocher de la trajectoire d’enfants non négligés. Cette conférence vise à présenter certains déterminants personnels, familiaux et sociaux qui influencent ces trajectoires développementales du langage en situation de négligence. La qualité de l’interaction entre le parent et l’enfant s’illustre comme le déterminant qui exerce l’influence la plus importante. Ces connaissances s’avèrent essentielles afin de cibler des moyens efficaces de soutenir, voire de prévenir, les difficultés langagières des enfants les plus vulnérables de notre société.
Résumé
Les jeunes enfants qui grandissent dans un contexte de négligence sont particulièrement à risque de présenter des difficultés langagières importantes. L’intégration dans une famille d’accueil est une mesure de protection mise en place pour plusieurs de ces enfants pris en charge par la Direction de la Protection de la Jeunesse. Les parents de ces familles d’accueil deviennent alors des acteurs de premier plan pour soutenir le développement langagier de l’enfant.
La formation des parents et le soutien au développement de leur sentiment de compétences sont reconnus comme de puissants facteurs de protection pour le succès d’un placement dans une famille d’accueil (Morin, 2015). Dès lors, il nous est apparu opportun d’offrir de l’accompagnement et les ressources nécessaires à ces familles pour qu’elles puissent efficacement soutenir le développement langagier des enfants. En s’appuyant sur les écrits scientifiques concernant les principaux ingrédients actifs du développement langagier – la qualité des interactions parent-enfant et de l’étayage du langage – ce projet a permis de développer un matériel dédié spécifiquement au soutien de ces familles qui accueillent des enfants confrontés à de la négligence. Ce matériel vidéo sera présenté aux participants et aux participantes et servira d’ancrage pour un échange sur les meilleures façons de les utiliser dans le cadre des interventions auprès de parents de familles d’accueil.
Les 3 capsules sont disponibles sur le site du projet ELLAN.
Un article parle de cette présentation.
Des outils numériques pour favoriser le développement du langage chez l’enfant. ULaval Nouvelles
Résumé
Le développement langagier est reconnu comme un important prédicteur de la réussite éducative (RÉ) des jeunes enfants. Or, en situation de négligence, les enfants sont fortement susceptibles de présenter des difficultés langagières significatives en bas âge et lors de leur entrée à l’école. Sur la base de ces constats, l’objectif de cette étude consiste à prédire la RÉ des enfants négligés à l’éducation préscolaire 5 ans, à partir de leur niveau de développement langagier à 3 ans. Pour ce faire, des partitions récursives ont été réalisées sur un échantillon de 45 enfants négligés et de 99 enfants non négligés recrutés dans le cadre de l’Étude longitudinale sur le langage et la négligence (ELLAN, Sylvestre et al., CRSH: 2014-2019). Le langage des enfants a été évalué à l’âge de 3 ans à l’aide de différents outils de mesures (lexique : ÉVIP-R et OWPVT, pragmatique : Jeu de village et Language Use Inventory – Français, morphosyntaxe : corpus de langage spontané, phonologie : ESPP). Une évaluation du niveau de RÉ des enfants au début de l’année à l’éducation préscolaire 5 ans (octobre-novembre) a également été effectuée à l’aide du Lollipop. Les résultats de ces analyses soulignent le rôle joué par le développement langagier dans la RÉ. Ils permettront de sensibiliser les personnes travaillant auprès de jeunes enfants à l’importance du développement langagier en bas âge, surtout pour ceux qui se retrouvent en situation d’adversité telle que la négligence.
Résumé
La pragmatique du langage concerne l’utilisation du langage en situation réelle de communication. Elle est considérée comme la composante organisatrice de la forme et du contenu du langage et, en ce sens, son développement est de toute première importance. Cette composante se développe tout au long de la petite enfance et est centrale dans un contexte d’éducation préscolaire.
Les enfants en situation de négligence sont très nombreux à présenter des difficultés dans cette composante du langage. Ce sont en effet plus de 40% des enfants négligés dont le développement pragmatique se situe largement en deçà des attentes développementales à 3,5 ans. Or, un sondage mené auprès d’enseignantes du préscolaire a dévoilé leur faible niveau d’aisance lorsqu’il s’agit de soutenir le développement de la pragmatique du langage des enfants de leur groupe. Les enseignantes expliquent cette situation par un manque de formation et de matériel. Pour pallier cette situation, une activité de transfert et de mobilisation des connaissances a été élaborée sous la forme d’un article dans une revue professionnelle largement consultée par ce public-cible (Revue préscolaire de l’Association d’éducation préscolaire du Québec). Le contenu de cet article sera présenté lors de cette conférence soit 1) la définition de la pragmatique du langage et 2) des pratiques de soutien à mettre en place en contexte de classe pour encourager son développement.
Retrouvez cette article, et d’autres, sur le site du projet ELLAN.
Résumé
Cette présentation amènera les participants et les participantes en dehors du thème de la négligence envers l’enfant. Il sera question du sentiment de compétences des parents, une des conditions qui entrent en jeu lorsqu’il s’agit de soutenir le développement langagier des enfants. Or, la compétence parentale est un concept sensible aux valeurs et à la culture des parents et familles. Les objectifs de ce projet ont été identifiés en étroite collaboration avec des intervenantes du Centre multi-services MAMUK dont la mission est notamment de promouvoir la culture et le rapprochement entre les peuples. Cette présentation sera l’occasion de partager les fruits de cette expérience qui a pris en considération l’identité culturelle des peuples autochtones afin de travailler dans le respect des valeurs et des traditions de ces familles. Tout intervenant se doit d’être sensible à ces valeurs de façon à intervenir de manière à soutenir les parents dans le développement d’un sentiment de compétences parentales qui s’y inscrive au mieux.
Résumé
Cette présentation a pour but de boucler la boucle suite à l’introduction aux notions d’inégalités sociales dans le développement langagier et de déterminants sociaux du développement langagier réalisée en ouverture du colloque. Pour lier ces notions à d’éventuelles pistes d’intervention, elle vise aussi à introduire les acteurs en petite enfance issus de différents secteurs (communautaire, institutionnel, public/privé) et provenant de domaines d’activités variés (éducation, santé, famille, immigration, travail social, psychologie) à l’action intersectorielle comme stratégie pertinente pour agir sur les déterminants sociaux du développement langagier. Des connaissances sur l’action intersectorielle, notamment ses pratiques efficaces et les facilitateurs à sa mise en œuvre seront partagés. Des réflexions et discussions autour de pratiques intersectorielles efficaces pour soutenir le développement langagier seront partagées et encouragées avec les participants. Cette présentation encouragera les participants à adopter une vision collective du développement langagier : en somme, le langage, ce n’est pas « juste l’affaire des orthophonistes » ! L’action intersectorielle, une voie d’action pour soutenir le développement du langage des enfants, tous ensemble !
Mélissa Di Sante indique que des références au sujet du partenariat intersectoriel pourront être transmises. Vous les trouverez ici, sous la section « Action intersectorielle ».